Rosh Hachana, Kippour par Robert Romano
Rosh Hachana, Kippour…
Révéler mon expérience des fêtes juives, je n’ai pas besoin de beaucoup de mémoire pour accoucher de mon expérience. Chez moi, Roch Hachana, Kippour, des mots à peine soufflés, Soukkot, jamais prononcé. Je me souviens seulement que vers le mois de septembre, mon père Lieto arrivait parfois le soir, en rentrant du Quartier où il faisait ses achats ( rue Popincourt, rue de la Roquette), les bras chargés avec du matzé et des victuailles achetées chez l’épicier Abramov. Il disait : « c’est Kippour ». Et puis c’est tout. Alors que j’esquissai à peine une question sur le sujet, ma mère Suzanne, ange- gardien de la maisonnée et de ses enfants, coupait court à cette conversation qui lui semblait inutile et, surtout, douloureuse. Dieu ne rentrait pas chez elle. Et pour cause. Le Tout-puissant, elle avait déjà fait sa connaissance. A Auschwitz. Et elle ne voulait plus en entendre parler. Ni pour elle, ni pour ses enfants. Elle n’imaginait pas alors qu’elle coupait nos racines. Je ne lui en veux pas d’avoir voulu faire de nous des Français comme les autres. Sans notre Dieu, mais aussi sans notre culture. Il a fallu que j’atteigne un certain âge pour commencer à me demander : qui suis-je vraiment ? En quoi je ressemble à ceux qui m’ont fait, mes ancêtres. J’ai cherché, j’ai trouvé et, à 70 ans, je commence seulement à adhérer à mon être. Je ne suis pas religieux, bien au contraire. Mais je suis attaché au peuple juif, à sa souffrance séculaire, qui en a fait le créateur et la vigie des valeurs humaines de notre temps. Roch Hachana, Kippour, pour moi c’est d’abord le sentiment d’être responsable de leur respect. C’est ce que je voudrais enseigner aujourd’hui à mes petits-enfants.
Robert Romano
Octobre 2017