19 novembre 2014: visite du Musée de Camondo
Visite du Musée Nissim de Camondo
« A défaut d’une lignée, ils laissèrent un nom gravé dans l’histoire du goût français ».
(Le Duc d’Aumale)
Mercredi 19 novembre, nous étions dix amis passionnés par cette visite et par la belle et triste histoire de la famille Camondo. Nous avons suivi notre guide, étonnés par ces merveilles du XVIIIème siècle, acquises au cours des années 1890 jusqu’en 1935, date de son décès, pour s’intégrer dans la grande bourgeoisie du moment. Voici en quelques lignes le rappel de l’histoire tragique des Camondo.
Les Camondo, Juifs Sépharades, originaires d’Espagne, furent chassés en 1492 par l’Inquisition d’Isabelle la Catholique.
Après des tribulations, l’Empire Ottoman les accueille. Après avoir passé quelques années à Trieste à la fin du XVIIIe siècle, ils reviennent à Istanbul où Isaac Camondo fonde la banque en 1802.
C’est Abraham Salomon, son frère, qui en hérite en 1832. Ses relations d’affaires avec les vizirs réformistes font qu’il en est quelquefois leur banquier à titre privé. Les Camondo participent à la mise en place du système bancaire moderne en Turquie et édifient l’une des plus importantes fortunes des territoires turcs.
Durant leur exil à Trieste, le hasard des traités leur avait donné la nationalité autrichienne, mais ils restent fidèles à l’Italie. Abraham-Salomon soutient le roi Victor Emmanuel II par des dons généreux. Le roi lui accorde le titre de comte en 1867.
Les petits-fils, Abraham-Behor et Nissim, dès les années 1850-1860, décident de s’installer en France. C’est donc en possession d’un passeport italien et du titre de comte que les Camondo viennent s’installer à Paris. En France, la banque est fréquemment associée à la Banque de Paris et des Pays-Bas en prenant part à de nombreux emprunts d’état.
Cependant la banque « Isaac Camondo & Cie » reste très impliquée dans le développement économique de la Turquie. A Istanbul, ils participent à la construction du quartier Galata, des immeubles, des bains, des escaliers Camondo ; il y aura une rue Camondo où se trouvait leur maison,
A la génération suivante, Isaac de Camondo, qui avait succédé à son père et son oncle dans de nombreuses sociétés, ainsi que son cousin Moïse, s’impliquent moins dans les affaires. Au début du XXe siècle, le bureau de Constantinople se borne à gérer les intérêts de la famille en Turquie. A Paris, leur activité se limite à une simple gestion de leur fortune.
Moïse qui hérite de la maison de ses parents, 23 rue de Monceau, la fait raser en 1911 pour la faire reconstruire, sur des plans calqués sur le Petit Trianon de Versailles, avec des pièces mettant en valeur son extraordinaire collection d’art. Certaines pièces sont spécialement prévues pour recevoir le maximum de lumière naturelle afin d’accueillir certains meubles et boiseries. Les jardins, qui jouxtent le parc Monceau, avec une entrée, ont été aussi redessinés.
Après la mort de son fils Nissim en 1917, aviateur pendant la Première Guerre Mondiale, Moïse décide de fermer la banque. Il choisit de lui dédier le musée.
Moïse meurt en 1935 et tout est conservé comme à l’époque. La maison a été léguée au « Musée des Arts Décoratifs » doté d’un statut d’association loi de 1901, reconnue d’utilité publique, lié à l’État par une convention ; toutes ses collections appartiennent à l’État. Suivant les clauses du testament, aucune pièce ne peut être sortie du musée.
En 1940, les musées nationaux firent transporter tout son contenu, avec d’autres très importantes collections publiques et privées – dont celle des Rothschild et des David-Weill – au château de Valençay, alors habité par le duc de Talleyrand, prince de Sagan, dépôt d’œuvres d’art qui fut confié à Gérald Van der Kemp, et qui faillirent disparaître dans l’incendie allumé dans le château par la 2e division SS das Reich. Le musée Camondo, vide fut fermé jusqu’à la fin de la Guerre
En 1944, Béatrice de Camondo, fille du donateur, est déportée vers le camp d’Auschwitz-Birkenau.
Depuis la création en 1985 du Comité pour Camondo, grâce à un mécénat international, la maison, dont le décor vieux de 70 ans et le mobilier avaient plus ou moins bien « vieilli », a retrouvé peu à peu son lustre d’antan : tissus retissés à l’identique, meubles, tableaux et objets restaurés.
Ce fut une très belle visite, qui nous laisse quelque peu amers sur ces destins brisés…
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